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Phnom Penh : capitale paradoxale

Les temples, la mer, la jungle, il nous restait encore à découvrir la capitale et son histoire. Pas évident !

 

Pour rejoindre la capitale, une seule route à deux bandes ... Ici, il n'y a pas d'autoroutes. J'ai vite arrêté de compter le nombre de dépassements de camions avec en prime d'autres poids lourds en face de nous. Je regardais le conducteur avec un air suppliant en espérant qu'il ne dépasse pas tout le temps. Mais bon, pas le choix et sans cela, je pense qu'on aurait mis huit heures. Le paysage défilait entre la montagne, les champs de palmiers, les petites cabanes des locaux au bord des routes, les villages, les champs remplis de vaches maigres, ... Après cinq heures, le trafic se fit plus dense. Nous étions entourés de mobylettes (des fois avec famille bébé compris), de tuks-tuks débordant de provisions, ... Il fallait jouer des coudes. Heureuse que Gilles n'était pas au volant ... notre mariage en aurait pris un sacré coup ;) Finalement, je pense que je n'aurais pas été une bonne candidate pour "Pékin Express" ...

 

Nous arrivons dans une ville en pleine expansion avec de nouveaux bâtiments, d'énormes hôtels et même une tour qui nous fait penser à Liège et sa fiscalité. Selon les guides, la ville renaît de ses cendres. En effet, le 17 avril 1975, les Khmers Rouges l'ont vidée de ses habitants. Nous ne sommes restés qu'un jour, donc c'est compliqué d'avoir un avis objectif mais je peux vous dire que cette ville ne nous a pas laissés indifférents. Quand l'horreur rencontre la beauté peut résumer notre journée de visite.

 

C'est de bonne heure que nous entamons notre périple. Notre guide nous fera découvrir le Palais Royal (construit en 1866), fruit d'une collaboration étroite entre architectes français et khmers. C'est un complexe de bâtiments servant de demeure au Roi du Cambodge. Norodom Sihamoni dort dans le palais Khemarin (fermé au public). Grâce à Alexandre, on sait qu'il n'est pas là :) C'est extrêmement bien entretenu. La végétation tropicale est en harmonie avec les jardins "à la française". Le ciel azur fait ressortir les couleurs des bâtiments. Magique. Nous déambulons dans les avenues, découvrons les salles ornées de peintures, les costumes traditionnels (une couleur par jour). La Pagode d'Argent porte ce nom car son sol est recouvert de plus de 5000 dalles d'argent pesant chacune un kilo. Malheureusement, nos petits pieds ont plutôt effleuré un tapis car le trésor est bien protégé.  On y trouvera de nombreux bouddhas en argent, bronze, marbre ou encore en cristal. Un Bouddha vaut même son pesant d'or : 90 kg d'or incrusté de 9584 diamants. Malheureusement, vous devrez vous y rendre personnellement pour nous croire, les photos étant interdites. Pour le plus grand bonheur d'Arnaud, nous n'étudierons pas en détail la fresque extérieure relatant les aventures de Ramayana. Nous avons ensuite découvert de beaux éléphants (symbole d'Alex à l'école maternelle) et "leurs habits de cérémonie" (palanquins, selles, ...). 

 

A quelques pas de là se trouve le Musée National, magnifique pavillon de couleur ocre. Celui-ci est le plus grand musée d'histoire archéologique et culturelle du pays. On y trouve une incroyable collection de sculptures khmères. Après une petite introduction de quinze minutes sur les différentes divinités, notre guide nous a laissés déambuler entre les statues de Vishnu, Bouddha, Ganesha, Garuda, ... L'objectif étant de les reconnaître. Bon, c'est pas encore gagné. Pendant ce temps-là, nos deux garçons préféraient découvrir le beau jardin intérieur et dessiner tranquillement (ce qui leur a valu d'être pris en photos par de nombreux Chinois. On a oublié le droit à l'image depuis notre arrivée en Asie).

 

Ensuite, notre chauffeur nous conduit vers un endroit chargé en émotions : les Killing Fields de Choeung. C'est sous une chaleur de plomb (35 degrés version humide) que nous avons découvert ces champs témoins des violences des Khmers Rouges. De 1975 à 1979, ils ont été le lieu d'exécutions et charniers de familles entières. Nous verrons d'abord un film expliquant le désastre. Pour faire très très bref, les Khmers Rouges ont décidé de ruraliser la société cambodgienne. Il voulait une société basée sur le modèle communiste sans classe ni religion et dirigée par un seul parti : l'Angkar. Les villes sont vidées en quelques heures et leurs habitants envoyés aux travaux forcés. Le régime de Pol Pot souhaitait supprimer tous les intellectuels (si tu avais des lunettes, les dés étaient jetés), professeurs, membres de l'armée, étrangers, médecins, certains membres du partis, ... afin d'imposer son régime et son pouvoir. Les écoles, églises, institutions publiques ont été détruites. Deux millions de personnes à savoir un tiers de la population, mourront dans des circonstances atroces (assassinées, torturées, prolifération de maladies, famines,  ...).

 

Ici, le silence règne. Le terrain, accidenté, est en fait un immense champ de fosses communes. Il n'est pas rare de trouver encore des os, bouts de vêtements qui remontent à la surface pendant la saison des pluies. Un stupa de 17 étages a été érigé au milieu des champs. On y trouve des centaines de crânes répertoriés par sexe, âge. Des gommettes colorées indiquent l'arme du crime (les balles étant trop chères) : machette, marteau, couteau, bambous,  ... Un arbre retient notre attention. Il est rempli de petits bracelets colorés. La guide nous expliquera qu'ils fracassaient les bébés et les enfants contre ce tronc ... Pour masquer les cris et éviter d'alerter le voisinage, ils diffusaient des chants révolutionnaires. C'est une grande claque que nous avons prise. 

 

Après un bref passage au marché russe (véritable caverne d'Alibaba - centaines d'échoppes d'habits, nourritures, souvenirs, quincailleries), nous nous rendons au Musée du génocide de Tuol Sleng : la Prison S-21. Cette ancienne école a vu passer entre 16.000 et 20.000 prisonniers. Ils y étaient interrogés, menacés et torturés en général avec leurs familles (pour éviter tout désir futur de vengeance). Les règles sont claires, les conditions de (sur)vie abominables. Les prisonniers sont torturés plusieurs fois par jour, pendant des mois, jusqu'à avouer des choses qu'ils n'ont même pas faites. Certains gardiens avaient entre dix et vingt ans ; complètement endoctrinés par Pol Pot. Le musée ne cherche pas à ménager les sensibilités. Nous découvrirons les petites cellules avec les chaînes et fers, les objets de tortures, des peintures représentant les sévices, ... Ce qui nous a aussi marqués ce sont ces milliers de photos en noir et blanc. Ces dernières étaient prises à l'arrivée des victimes (une sera également faite à leur mort). Ces enfants, femmes, hommes aux visages inexpressifs ou apeurés, vous suivent tout au long de la visite (et après). Leur regard est indescriptible. Alexandre remarquait des détails que je ne voyais pas. Arnaud cherchait les enfants de son âge. Il y aurait eu seulement sept survivants dont deux frères qui avaient leur âge ... La visite est éprouvante mais nous sommes contents de l'avoir faite. Les enfants ont posé de nombreuses questions au guide. Ils en ont encore un peu parlé par la suite. Je ne sais pas s'ils s'en souviendront ...

 

Nous pensions avoir fini la journée mais notre guide nous gardait encore un dernier monument pour la route. Nous passons devant le monument de l'indépendance et nous nous rendons sur le point culminant de la ville : Wat Phnom (Pagode de la Colline). Il s'agit d'un temple bouddhiste niché à 27 mètres, sur la seule colline de la ville. C'est une promenade prisée. Pour atteindre le bâtiment principal, nous montons un grand escalier gardé par des Nagas (serpent mythologique à sept têtes) et des lions. Nous y découvrons une joyeuse ambiance. Les singes rôdent aussi. A droite du bâtiment, de nombreuses personnes font leurs offrandes (fruits, viandes, fleurs, faux billets, ...) dans un temple chinois. Nous entrons dans un lieu de prière pleins de couleurs, de lumières clignotantes, ... Un peu kitsch :) 

 

En ce qui concerne Wat Phnom, on raconte qu'une vieille dame, prénommée Daun Penh, aussi riche que pieuse, aurait trouvé quatre statues de Bouddha dans un tronc d'arbre échoué le long du Mékong. Pour protéger son trésor, la construction d'un temple s'imposait. Je ne sais pas si la colline existait ou si elle l'a faite ériger (les sources de mes lectures sont contradictoires mais bon, c'est pas trop important). Nous avons apprécié l'ambiance un peu désordonnée de ce temple. On y trouve des divinités de différentes religions ... même Confucius est de la partie. On observera la dame changeant les habits de Madame Penh dont le maquillage laisse à désirer, n'est-ce pas?

 

Nous prendrons une dernière photo devant l'horloge (heure réelle) avant de rejoindre notre hôtel pour un dernier plongeon et des tapas en terrasse.

 

C'est avec beaucoup de bonheur et d'émotions que nous avons découvert ce pays et ses habitants si accueillants. Ce voyage a été très inspirant pour nous. Et vous, le Cambodge, c'est pour quand?

 

"Le voyage est le meilleur moyen de se perdre et de se retrouver en même temps", Brenna Smith

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